La vingt-huitième conférence annuelle des Nations unies sur les changements climatiques (COP28) s’est tenue à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre 2023. Pour la première fois dans une COP, « le climat et la santé » a été un sujet clé, avec la signature par 121 pays d’une déclaration sur le climat et la santé, qui fait spécifiquement référence au fait de « Promouvoir des mesures pour réduire les émissions et déchets dans le secteur de la santé, par exemple en évaluant les émissions de gaz à effet de serre des systèmes de santé, en mettant en place des plans d’action, et en déterminant des objectifs de décarbonisation au niveau national ainsi que des normes d’approvisionnement pour les systèmes de santé nationaux, y compris les chaînes d’approvisionnement ».
Depuis des décennies, le changement climatique et ses effets sur les schémas de transmission du paludisme constituent une préoccupation croissante aux niveaux national, régional et mondial. Le Rapport mondial 2023 sur le paludisme, publié le 30 novembre, mettait en lumière la menace croissante du changement climatique pour le paludisme.
La communauté active dans la lutte contre le paludisme, et notamment les acteurs chargés de la lutte antivectorielle à base d’insecticides transportés dans des conteneurs ou appliqués sur des produits, a réfléchi à la contribution qu’elle pouvait apporter au changement climatique par le biais d’opérations et de gestion des déchets. Le Partenariat APP s’est concentré spécifiquement sur les moustiquaires imprégnées d’insecticide (MII), puisque son Projet de cartographie des moustiquaires montre que depuis 2004, trois milliards de MII ont été expédiées par des fabricants vers des pays où le paludisme est endémique. C’est une avancée considérable dans la prévention du paludisme sous la direction des programmes nationaux de lutte contre le paludisme, mais c’est également une grande quantité de déchets de plastique qui est produite tant au moment de la distribution (emballages) que quand les MII deviennent inutilisables et sont finalement jetées.
MATÉRIAUX DES BALLES ET EMBALLAGES EN PLASTIQUE
Les déchets de plastique associés aux MII (emballages, mise en balles, etc.), en particulier dans le cadre des campagnes de distribution de masse de moustiquaires en un temps réduit sur de vastes zones géographiques, sont devenus un défi majeur pour les programmes nationaux de lutte contre le paludisme quand la politique de l’OMS est passée d’une couverture ciblée à une couverture universelle en matière de lutte antivectorielle, et en raison de l’augmentation significative de la quantité de MII nécessaires pour la distribution. De nombreux programmes nationaux se préoccupent de plus en plus de la quantité de plastique produite et du manque de capacités (humaines, financières, infrastructurelles) en place pour gérer ces déchets conformément aux directives de l’OMS[1].
En raison de ces préoccupations, de nombreux programmes nationaux de lutte contre le paludisme ont commencé à demander pour leurs campagnes des moustiquaires « nues » ou emballées en vrac, afin de réduire au maximum la quantité de déchets. Depuis plusieurs années déjà, la plupart des pays demandent des moustiquaires emballées en vrac pour les campagnes de distribution de masse, ce qui réduit considérablement la quantité de déchets importés dans le pays à des fins de lutte antivectorielle. Cependant, près de 100 millions de MII sont distribuées par d’autres canaux (comme des établissements de santé, des écoles ou des communautés), et la majorité de celles-ci sont encore fournies dans un emballage en plastique individuel pour les protéger pendant une période de stockage plus longue. Par ailleurs, dans certains contextes, des emballages individuels peuvent être nécessaires pour les campagnes de distribution de masse, quand il n’est pas certain que les MII pourront être distribuées dans les délais (par exemple, dans des contextes d’insécurité où il peut être nécessaire de stocker les MII plus longtemps) ou pour d’autres raisons.
Les programmes nationaux de lutte contre le paludisme et leurs partenaires insistent sur la priorité à apporter à la gestion des déchets dans la planification et la budgétisation de leurs campagnes, particulièrement pour les MII qui ne peuvent pas être emballées en vrac et qui engendrent donc des déchets importants dans les communautés où elles sont distribuées. Ce Bulletin d’information met en lumière quelques efforts innovants mis en œuvre pour traiter et gérer les déchets des MII. Si vous avez d’autres exemples de gestion innovante des déchets que vous aimeriez partager avec les partenaires de l’APP, veuillez contacter marcy.erskine@ifrc.org.
L’APP a récemment réalisé un examen de la gestion des déchets de plastique, avec une série de recommandations prioritaires pour les différents intervenants, comme les programmes nationaux, les partenaires financiers et techniques et les fabricants. Cet examen sera disponible début 2024.
Matériaux des balles et emballages en plastique
Les MII sont distribuées et utilisées dans différents contextes qui affectent leur durée de vie. Un article de Bertozzi-Villa et al. a mis en lumière les différentes durées de conservation des MII selon les pays et soutenu l’hypothèse selon laquelle « les moustiquaires sont jetées plus rapidement que ne le supposent les politiques officielles ». Dans de nombreux pays, les MII qui ne sont plus considérées comme utilisables pour se protéger du paludisme pendant la nuit sont réaffectées à d’autres usages domestiques, par exemple pour couvrir les avant-toits et poulaillers ou protéger les cultures. Dans la plupart des pays, cette réaffectation n’est pas guidée par les politiques nationales qui encouragent la réaffectation neutre ou bénéfique, tout en dissuadant la mauvaise utilisation des anciennes moustiquaires, en particulier comme filet pour la pêche.
Quand des moustiquaires imprégnées d’insecticide ne sont plus du tout utilisables – que ce soit pour dormir dessous ou pour être reconverties à d’autres fins – elles sont considérées comme « en fin de vie » et sortent complètement de la chaîne d’approvisionnement. Cependant, jusqu’à présent, les expériences de collecte et d’élimination de ces moustiquaires en fin de vie s’avèrent limitées, alors que leur présence dans l’environnement est bien mentionnée presque partout où des MII ont été distribuées par le biais de campagnes de masse et d’autres canaux de distribution.
Comme pour la réaffectation des MII, peu de programmes nationaux de lutte contre le paludisme ont mis en place des politiques pour ces moustiquaires en fin de vie. Des gains importants, tant sur le plan environnemental que financier, pourraient être réalisés en retirant ces MII de l’environnement, par exemple en les recyclant en de nouveaux produits qui pourraient être vendus à des fins lucratives. Toutefois, la collecte des moustiquaires en fin de vie et leur élimination définitive nécessitent de nouer des partenariats avec des entreprises du secteur privé dotées des équipements pour pouvoir les traiter, et d’avoir des réglementations pour gérer ce type de déchets de plastique. Par ailleurs, dans un contexte de ressources insuffisantes pour fournir suffisamment de MII pour toutes les populations à risque, les programmes nationaux devront trouver des solutions neutres en termes de coûts, afin de garantir des approches durables de la gestion des moustiquaires inutilisables.
Les partenaires de l’APP sont conscients de leur responsabilité en matière de minimisation de l’impact environnemental négatif de la distribution de MII pour les foyers que nous tentons de protéger. Les programmes nationaux de lutte contre le paludisme et leurs partenaires s’efforcent de trouver des solutions innovantes aux problèmes causés par la distribution de MII, comme le montrent les défis, réussites et pratiques innovantes mis en avant dans ce Bulletin d’information.