Par Hannah Koenker, directrice technique, santé tropicale

L’APP a soutenu les campagnes de masse des MII pendant près de vingt ans. Dans la plupart des cas, tous les trois ans, les programmes nationaux de lutte contre le paludisme, en coordination avec leurs partenaires, déploient des efforts considérables pour planifier les activités d’enregistrements et de distribution des campagnes, transporter des millions de MII par une multitude de moyens dans des conditions souvent difficiles, et distribuer ces produits vitaux dans le but de protéger les gens contre le paludisme. Après la campagne de distribution massive, les moustiquaires sont utilisées, mais commencent à s’user, en masse aussi, ce qui entraîne le besoin de campagnes de remplacement trois ans plus tard. Dans beaucoup de pays, les programmes nationaux envisagent d’organiser des campagnes plus fréquentes à la suite des durées de vie plus courtes que prévues. Et s’il existait une façon de réduire l’effort et de maintenir un haut niveau de couverture en MII sur la durée ?

La distribution permanente (DP), en plus de la distribution habituelle grâce aux services prénataux et vaccinaux dans les installations sanitaires (qui sont considérés être un canal utilisé dans les pays d’endémie palustre pour garantir l’accès aux MII aux populations les plus vulnérables), offre la possibilité de fournir chaque année des MII, généralement par l’intermédiaire des écoles primaires ou des agents de santé communautaires (ASC) en réponse à la demande des communautés. Chaque année depuis 2013, la Tanzanie a organisé des distributions dans les écoles dans près de la moitié du pays ; le Ghana a livré des MII aux élèves d’écoles entre les campagnes massives pour compenser les MII qui s’usent. Cependant, connaître le nombre de MII nécessaires pour ce type de canaux a toujours été un défi. Une modélisation complexe était nécessaire et, en même temps, les campagnes massives étaient faciles à quantifier grâce aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui consistent à diviser la population par 1,8.

Le nouveau travail d’Hannah Koenker, financé grâce aux subventions de la Fondation Bill et Melinda Gates de l’APP, a tenté de trouver une formule de quantification simple pour la distribution permanente. L’analyse utilise une modélisation complexe, prenant en compte la durée de vie des moustiquaires dans certains pays et la façon dont les différentes stratégies de distribution des MII contribuent à l’accès à ces MII dans le temps. La « meilleure » approche quantitative est alors recommandée pour chaque stratégie de distribution des MII, soit le pays adopte l’approche de la Tanzanie où la DP remplace les campagnes massives, soit l’approche du Ghana où la DP est organisée entre les campagnes.

En général, chaque programme national de lutte contre le paludisme fixe ses propres objectifs quant à l’accès aux MII, qui doit être maintenu sur le long terme pour garantir une réduction durable du paludisme. Pour les pays dont les moustiquaires ont une durée de vie de deux ans ou plus et qui souhaitent maintenir un accès aux MII de 80 %, une stratégie de distribution permanente à grande échelle pourrait nécessiter une approche quantitative de la « population multipliée par 20 % » sur une base annuelle. Les pays dont les moustiquaires ont une durée de vie de trois ans peuvent utiliser une approche de la « population multipliée par 16 % » à la place, puisque les moustiquaires ont, en moyenne, une durée de vie un peu plus longue, et que le besoin en moustiquaires est donc plus faible. Vous trouverez ici un tableau complet des quantificateurs pour les stratégies de distribution pour les pays d’Afrique subsaharienne.

Son travail a également permis de voir que les stratégies de distribution permanente qui maintiennent l’accès aux MII à 80 % peuvent finalement nécessiter moins de moustiquaires, comparé aux stratégies de campagne massive de trois ans, au moins pour les pays dont la durée de vie de moustiquaires est de deux ans. En ce qui concerne les pays dont la durée de vie des moustiquaires est plus courte – moins de deux ans – il faudra davantage de MII que celles actuellement fournies, mais les stratégies de mis en œuvre communautaire seront probablement plus efficaces pour maintenir la couverture que les campagnes bisannuelles, et nécessiteront moins d’efforts de la part du personnel des programmes nationaux.

Les nouvelles recommandations quantitatives sont déjà incluses dans les Lignes directrices RBM-CRSPC, et certains pays l’utilisent déjà afin de prévoir leur calendrier pour les prochaines années. Alors qu’on estime les coûts de la distribution permanente comparables à ceux des campagnes massives dans le temps, l’APP travaille à fournir des modèles concrets de budgétisation aux pays, afin que les programmes nationaux puissent comparer leur stratégie de distribution actuelle par le biais de campagnes massives avec les options de distribution continue.